Bactéries résistantes : si on nous disait la vérité ?
Les bactéries hautement résistantes venues d’Inde ont fait de nombreuses Unes en cette fin d’été, et font encore parler d’elles. On se mobilise, des recommandations sont édictées, des dépistages se préparent et pourtant… Elles ne sont ni nombreuses, ni vraiment pathogènes. En revanche, quelques bactéries très résistantes aux antibiotiques sévissent dans nos hôpitaux, alourdissant le nombre des victimes des maladies nosocomiales. Mais sur elles, on ne nous dit rien. Elles sont pourtant beaucoup plus dangereuses.
Pseudomonas aeruginosas multirésistant, vous connaissez ? Il s’agit pourtant d’une bactérie redoutable responsable de nombreux décès dans nos établissements hospitaliers. Comment l’attrape-t-on ? En se faisant hospitaliser tout simplement. Vous rentrez pour vous faire opérer et vous la contractez car elle traîne dans certains services. D’autres types de bactéries sont devenues aussi multirésistantes à force de rencontrer de multiples antibiotiques et de passer d’un malade à l’autre par manuportage (entendez par des mains non lavées).
« Circulez, il n’y a rien à voir » aurait dit Coluche. Car aucune statistique n’est disponible sur ces infections nosocomiales contractées dans nos hôpitaux et cliniques. Les chiffres sont connus, mais ils restent secrets. On ne nous dit rien, enfin presque, car le score ICALIN a été inventé dans une pure logique pérestroïka. L’Indicateur composite des activités de lutte contre les infections nosocomiales est complexe comme son nom l’indique. Il reflète les procédures, l’organisation et les moyens mis en place pour lutter contre les infections nosocomiales, comme les réunions des responsables, les rapports publiés, les formations du personnel et la consommation de désinfectants à base d’alcool… Mais le taux d’infection nosocomiale du service dans lequel vous allez rentrer : non.
Disons-le clairement : ce ne sont pas les moyens qui manquent, mais l’autorité. Quand un étudiant en médecine examine tous les patients du service sans se désinfecter les mains entre deux examens, cela s’appelle aussi du manuportage. Et vous aurez beau former le personnel, déverser des litres d’alcool dans le service, écrire des rapports, cela ne changera rien à ce fait : c’est le maillon le plus faible de la chaîne qui est responsable de sa brisure, que celui-ci soit un étudiant, une infirmière, un médecin ou une aide soignante. Et face à cette nécessaire mobilisation les procédures, l’organisation et les moyens ne suffisent pas : il faut aussi une forte dose d’autorité, tant du chef de service que de la surveillante. Or l’autorité des chefs de services est de plus en plus diluée, remplacée par… des organisations, des procédures.
Alors militons pour plus de transparence. On verra ainsi si ce score ICALIN et les autres ont du sens. Et s’il le faut, il faudra bien faire tomber quelques murs, dont celui du silence. Notre sécurité sanitaire le mérite. Cela n’empêchera pas de faire des Unes sur les bactéries exotiques que nous ramènent nos touristes, mais au moins nous pourrons relativiser.
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