Coronavirus : faut-il accoucher à la maison ?
Les craintes des femmes enceintes arrivant à terme pendant cette période de coronavirus SARS CoV-2 sont nombreuses : manque de personnel ou de matériel, contamination au coronavirus après la naissance, absence du conjoint pendant l’accouchement, l’interdiction des visites des enfants… Avec ces angoisses, mettre au monde son bébé à sein de son foyer peut sembler être une bonne solution.
L’accouchement à la maison limite les risques de contamination ?
Manavi Handa - sage-femme canadienne - recommande en effet aux femmes enceintes ne montrant aucune complication d’opter pour un accouchement à domicile pendant l'épidémie de COVID-19. Elle écrit dans la revue scientifique The Conversation “En tant que sage-femme travaillant à Toronto depuis plus de 20 ans, je peux partager une leçon importante apprise pendant l’épidémie du SRAS (2002/2003) qui est souvent oubliée et négligée : l'importance de l'accouchement à domicile et le rôle des sages-femmes pendant une épidémie”.
Elle poursuit “comme beaucoup de mes collègues, je préfère personnellement un accouchement à domicile pour les accouchements à faible risque lors d’une grossesse sans complication et un travail normal. Non seulement parce qu'il peut être très beau - calme, intime et familial - mais aussi parce qu'il est en fait plus sûr pour les personnes en bonne santé - du moins pendant une pandémie”.
Après avoir mis en avant les faibles risques encourus pour l’enfant et la mère lors d’une naissance à la maison, elle ajoute “Bien que je puisse parler des nombreux avantages des accouchements à domicile en général, je préconise spécifiquement les accouchements à domicile ou les naissances hors hôpital, pendant une pandémie. Alors, à mesure que nos ressources et nos lits d'hôpital se raréfient, j'espère que nous nous souviendrons de l'importance de l'accouchement à domicile”.
Elle rappelle par ailleurs que sa profession aide à éviter les déplacements inutiles des femmes enceintes. “Les sages-femmes ont beaucoup de compétences croisées avec les infirmières et les médecins. Nous pouvons recoudre et prescrire des traitements comme un médecin, mais aussi poser une intraveineuse et faire des prises de sang comme une infirmière. Nous pouvons utiliser nos compétences bien au-delà de l'accouchement”.
Elle ajoute que faciliter les accouchements à domicile donnerait la possibilité aux obstétriciens et aux équipes des hôpitaux de se concentrer sur les grossesses compliquées comme les mamans contaminées par le SARS CoV 2.
COVID-19 : accoucher à la maison ne se décide pas dans l’urgence
Isabelle Fournier, sage-femme et présidente de l’association Nationale des sages-femmes libérales, n’est pas aussi catégorique que sa consœur canadienne “Nous ne recommandons pas l’accouchement à la maison pendant l’épidémie du coronavirus. C’est avant tout un projet de femme qui demande une bonne préparation”, explique la spécialiste française.
En effet, dans l’Hexagone, les sages-femmes qui effectuent des naissances à domicile ne sont pas couvertes par les assurances, à la différence des professionnelles nord-américaines. “Il faut vraiment avoir pu accompagner la future maman pendant toute sa démarche, avoir pu s’assurer qu’il s’agit d’une grossesse à bas risque : pas de diabète, pas d’hypertension ou encore pas d’utérus cicatriciel à cause d’une précédente césarienne. De plus, il est vital que la confiance se soit installé entre la sage-femme et la femme enceinte”. Ce n'est pas une démarche anodine.
Ainsi se reporter sur un accouchement à domicile dans la dernière ligne droite, car on a peur de la contamination au COVID-19 ou parce qu’on ne veut pas accoucher sans son conjoint, n’est pas conseillé.
Isabelle Fournier précise “Nous avons beaucoup d’appels de futures mamans demandant des renseignements. Mais elles doivent prendre en compte de nombreux éléments, réfléchir à tout ce qu'implique ce choix : par exemple le fait qu’elles n’auront pas de péridurale. Un accouchement à la maison ne s’organise pas dans la précipitation”.
Besoin d’une réflexion sur l’accouchement à domicile
Les deux sages-femmes s’accordent sur un point. Cette épidémie montre que les hôpitaux ne sont pas forcément les lieux les plus adaptés pour un accouchement où les mamans comme les bébés ne montrent aucun facteur de risque. “C’est l’occasion d’avoir une vraie réflexion sur les accouchements à domicile ainsi que la place de l'hôpital pendant une grossesse. Mais ce travail doit se faire à froid et non dans la précipitation”.
En effet, si les accouchements à domicile ne représentent qu’environ 1% des naissances annuelles en France, ils ne sont pas plus risqués que ceux ayant lieu dans un univers médicalisé. Toutefois, cette alternative ne peut être proposée qu’aux grossesses sans complication.
Les contre-indications d’un accouchement à la maison :
Pour la maman
- l'hypertension artérielle non traitée et significative : il y a risque de pré-éclampsie ;
- le diabète ;
- l'anémie ;
- une dépendance (drogue, alcool) ;
- un placenta prévia ;
- un problème cardiaque existant ;
- des hémorragies de la délivrance survenue lors de précédents accouchements ;
- des plaquettes basses ou problèmes de coagulation avérés ;
- un utérus cicatriciel ;
- les accouchements avant la 37e ou après la 42e semaine d’aménorrhée, pas de suivi de grossesse et/ou pas d’échographie morphologique.
Pour le bébé :
- un retard de croissance ;
- une présentation en siège ou en transverse ;
- les grossesses multiples ;
- si le bébé à une pathologie nécessitant une prise en charge pédiatrique immédiatement après la naissance.
Sur le logement :
- être à plus de 20-30 minutes de l’hôpital ;
- habiter à plus d’une heure du domicile de la sage-femme ;
- pas d’accès à l’eau courante ;
- pas de possibilité de chauffer le lieu de naissance à plus de 25°.
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