Dans 70% des infarctus, la cigarette est coupable
Tabagisme, obésité-diabète, sédentarité, est la triade qui bat en brèche le rôle naturellement protecteur des œstrogènes avant la ménopause. L’effet "génération" observé pour le tabagisme féminin confirme un décalage dans le temps, en lien avec une période d’émancipation féminine des années 80 dont l’entrée dans le tabagisme. Ces femmes fumeuses abordent maintenant la cinquantaine, d’où ce surcroît de crises cardiaques chez elles, après plus de 20 ans de tabagisme féminin.
Claire Mounier-Vehier : « Chez une femme hospitalisée pour un infarctus du myocarde, dans 7 cas sur 10, l’accident est dû au tabac ! Parmi celles ayant fait un infarctus du myocarde (dit avec élévation du segment ST : STEMI) avant 60 ans, nous avons observé des prévalences du tabac et de l’obésité de 73,1% et 27,1% (registre FAST-MI) (2). Ces chiffres sont à corréler avec ceux d’une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies publiée conjointement avec notre étude (2) qui confirme que cette tranche d’âge des moins de 54 ans concentre la plus forte proportion des femmes fumeuses. Il nous manque cependant le statut hormonal des femmes car la contraception par éthinylestradiol forme, avec le tabac, un cocktail explosif sur le risque d’infarctus du myocarde (quelle que soit sa voie d’administration : comprimé ou "pilule", patch transdermique ou anneau vaginal). Logiquement, une grande majorité de ces femmes jeunes qui font une crise cardiaque sont sous ce type de contraception œstroprogestative, et cela peut expliquer en partie cette hausse de +5% de crises cardiaques. D’où mon conseil : passé l’âge de 40 ans, il faut absolument opter pour une contraception progestative : comprimé micro-progestatif ou macro progestatif, implant sous cutané ou encore le dispositif intra utérin (stérilet) à la progestérone ».
Le stress, plus nocif chez la femme
Si le tabagisme est l’ennemi n°1 dans la crise cardiaque chez la femme jeune, c’est souvent une association de malfaiteurs : elles fument, sont stressées - plus que les générations précédentes- et vivent plus souvent dans la précarité sociale (hors du système de soin, stress socio-professionnel et isolement social considérables souvent associés à la dépression etc.).
Le stress est le troisième facteur de risque d’infarctus du myocarde chez la femme, avec un impact encore plus puissant que chez l’homme (4). Cet effet plus dévastateur parmi le sexe féminin se retrouve aussi avec le diabète, l’hypertension artérielle et la sédentarité, qui seraient davantage associés au risque d’infarctus du myocarde chez les femmes, notamment chez les moins de 60 ans.
Claire Mounier-Vehier : « Le stress aigu (licenciement, séparation, boucler les fins de mois…) peut déclencher un infarctus du myocarde par le mécanisme suivant : le système nerveux parasympathique (qui contrôle en partie les activités involontaires des organes) est brutalement activé. La pression artérielle et le rythme cardiaque s’élèvent très vite, favorisant la fissuration d’une plaque d’athérome dans une artère du cœur (coronaire) ou une dissection coronaire (lésion-clivage de la paroi de l’artère du cœur, voire sa rupture). Un thrombus (caillot) se crée alors, obstruant l’artère et ne laissant pas ou peu passer le sang et oxygéner le cœur qui se trouve alors en souffrance. Cela peut aussi provoquer à l’extrême un syndrome de Takotsubo ou syndrome du cœur brisé (qui mime un infarctus mais qui n’en n’est pas un) avec une paralysie presque complète et transitoire du cœur suite à une émotion violente avec des conséquences parfois fatales (troubles du rythme, embolies de caillots de sang dans le cerveau, troubles du rythme…).
Quant au stress chronique, il favorise les comportements délétères pour notre santé avec le tabagisme, les conduites alimentaires défavorables avec un repli sur soi, la sédentarité, le manque d’activité physique, et la sécrétion de cortisol (hormone à l’effet métabolique délétère et pourvoyeuse d’hypertension artérielle) … d’où, chez ces femmes, l’apparition d’un syndrome métabolique plus fréquent associant des profils lipidiques et glucidiques défavorables et une obésité abdominale, facteurs de risque d’infarctus du myocarde et de maladies cardiovasculaires en général ».
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(1) « Les femmes au cœur du risque cardiovasculaire » BEH N° 7-8 | 8 mars 2016 Les évènements d’infarctus du myocarde ont été sélectionnés à partir des bases nationales des hospitalisations du PMSI-MCO (2002-2013) et des causes médicales de décès du CépiDc (2002-2012) www.invs.sante.fr ; (2) registre français FAST-MI pour la période 2005-2010 ; (3) Jean-Baptiste Richard et coll BEH N° 7-8 | 8 mars 2016, p126 ; (4) Eur Heart J. 2008;29(7):932-40
D’après un entretien et la conférence du Pr Claire Mounier-Vehier, Chef du Service de Médecine Vasculaire et Hypertension Artérielle à l'hôpital Cardiologique du CHRU de Lille et présidente de la Fédération Française de Cardiologie