Pandémie de grippe 2009-2010 : 200 morts évitables ?

La pandémie de grippe H1N1 n’a fait que peu de victimes en ne tuant « que » 349 personnes. Mais on peut légitimement se demander si la majorité de ces décès n’aurait pas pu être évitée.

Jamais un pays n’avait été aussi lourdement préparé que la France pour faire face à la pandémie de grippe H1N1 l’an dernier. La France avait des stocks d’antiviraux pour traiter plus de 30 millions de personnes et elle avait commandé des vaccins pour couvrir toute la population. Autrement dit, en attendant que le vaccin pandémique soit prêt, ce qui a pris quelques mois, nous disposions de suffisamment d’antiviraux pour traiter tous les cas de grippe.

Les antiviraux de la grippe, c’est tout de suite ou jamais

Or au lieu de se servir larga manu de leur stock d’antiviraux, les autorités publiques ont, souvenez-vous, demandé de réserver leur usage aux cas graves. De ce fait, la plupart des Français atteints de grippe ont simplement eu du paracétamol et quelques journées d’arrêt de travail. Autrement dit, les Français n’ont pas bénéficié du tout du plan pandémique qui avait été mis en place.

Cette décision était d’autant plus critiquable que :

- les antiviraux ne sont efficaces que dans les 2 premiers jours suivant le tout début des symptômes grippaux.

- que les formes graves de la grippe ne se déclarent qu’après plusieurs jours d’évolution, le plus souvent 4 et plus.

- qu’il était donc trop tard pour donner des antiviraux, même à très fortes doses, quand les cas graves étaient déclarés et envoyés en réanimation respiratoire.

- que les antiviraux ont été efficaces sur le virus H1N1 pendant toute la durée de l’épidémie en France.

Cette épidémie a surtout touché gravement des jeunes. Selon l’InVS (Institut National de veille sanitaire) alors qu’une épidémie classique ne fait que 10 % de décès chez les moins de 65 ans, ce taux est monté à 56 % avec le H1N1. Cela fait donc 200 jeunes qui auraient pu potentiellement être sauvés, s’ils avaient eu accès à un antiviral immédiatement.

Manifestement les antiviraux n’ont pas été utilisés de manière cohérente et plusieurs experts ont critiqué cette négligence. Ne serait-il pas temps de faire un vrai bilan du plan pandémique de 2009 et de se demander ce qui aurait pu être mieux fait ? Ne serait-il pas temps d’organiser une conférence de consensus sur les antiviraux de la grippe à partir de toutes les études qui ont été publiées depuis la pandémie ? En effet, plusieurs études ont confirmé leur innocuité chez la femme enceinte et chez l’enfant, innocuité qui a pu être vérifiée grâce au large usage de ces médicaments pendant la pandémie dans d’autres pays que la France.

Avec un tel bilan et une telle conférence de consensus, on pourrait au moins répondre à deux questions clés :

- faut-il recommander de prescrire des antiviraux à des patients grippés ?

- faudra-t-il refaire d’importants stocks d’antiviraux à la prochaine alerte pandémique et si oui, comment s’organiser pour que tous les Français puissent en bénéficier ?

Nous avons eu de la chance que le H1N1 de 2009 soit une « grippette ». Ne jouons pas une fois de plus avec la chance et préparons-nous mieux.

(Source : Le Parisien, 11 janvier 2011.)

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