Pourquoi ces deux cancers ne touchent que les femmes jeunes ?
Ils touchent deux organes très différents et affectent principalement les femmes jeunes, souvent fumeuses. Les cancers dits mucineux du pancréas et de l’ovaire interrogent les médecins. Des chercheurs de l’université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (Suisse) se sont penchés sur le sujet. Selon l’article qu’ils publient dans le Journal of Pathology le 19 septembre 2018, ces tumeurs toucheraient les femmes jeunes car elles auraient la même origine embryonnaire et un compte à rebours d’une trentaine d’années.
Comprendre le profil génétique des tumeurs
Les chercheurs ont analysé les profils génétiques de ces deux types de tumeurs ce qui leur a permis de retracer leur histoire. Au total, pour le pancréas, ils ont donc décrypté l’expression des gènes de 7 échantillons de tumeurs mucineuses kystiques du pancréas, 36 échantillons d’adénocarcinome ductal pancréatique (un autre cancer du pancréas), 16 échantillons de tissu pancréatique non cancéreux et 7 échantillons de cellules germinales primordiales (des précurseurs des gamètes, ovocytes ou spermatozoïdes, qui migrent dans le corps pendant le développement du fœtus) et, pour l’ovaire, 8 échantillons de tumeur ovarienne mucineuse, 24 échantillons de tissu des trompes de Fallope, 6 échantillons de tissu de surface des ovaires, 13 échantillons de carcinome de l’ovaire à un stade avancé (une autre forme de cancer de l’ovaire) et à nouveau 7 échantillons de cellules germinales primordiales.
Résultat : les profils génétiques des tumeurs mucineuses sont éloignés des profils génétiques du tissu de l’organe (pancréas ou ovaire) mais sont proches de ceux des cellules germinales primordiales.
Une erreur de migration cellulaire pendant le développement embryonnaire
Ces analyses leur ont donc permis de comprendre que les cancers mucineux trouvaient leur origine dans les cellules germinales primordiales, ces cellules précurseuses des gamètes. "Entre 4 et 6 semaines de grossesse, [elles] vont faire une longue migration dans le corps humain. Elles traversent tout le corps, passent derrière le futur pancréas et arrivent dans l’ébauche des gonades*, vers la 7e semaine. Très probablement, certaines de ces cellules germinales s’arrêtent en chemin", explique dans un communiqué de l’université la docteur Intidhar Labidi-Galy, chercheuse au Centre de recherche translationnelle en onco-hématologie de l’UNIGE et qui a dirigé ces travaux.
Un risque de métastases dans 15% des cas
Les cellules germinales primordiales qui subissent des erreurs de migration et s’arrêtent dans le pancréas ou dans l’ovaire sont alors des bombes à retardement : des dizaines d’années plus tard (souvent 30 ou 40 ans), elles vont évoluer en kyste cancéreux selon les facteurs de risque de chaque personne (l’usage de tabac, par exemple). "Pris à temps, le kyste cancéreux est intégralement enlevé. Dans 15% des cas cependant, le kyste se rompt avant l’intervention chirurgicale; les cellules cancéreuses se répandent alors dans le péritoine, donnant naissance à des métastases très résistantes aux traitements par chimiothérapie. Dès lors, le pronostic de survie des patientes ne dépasse pas un an" déplore l’UNIGE dans son communiqué. "Nos résultats ne vont pas changer la prise en charge chirurgicale de ces patientes, mais peuvent nous amener à une réflexion sur les protocoles de chimiothérapie" confie la docteur Labidi-Galy à l’UNIGE. "Nous sommes ici au cœur de l’oncologie personnalisée : connaître son ennemi dans ses moindres détails permet de mieux le combattre" ajoute-t-elle enfin.
*Gonades : organes de la reproduction ; ovaires pour les femmes et testicules pour les hommes.
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L’origine de cancers frappant exclusivement les jeunes femmes. Communiqué de l’Université de Genève, 19 octobre 2018