Quand le travail rend fou
Le travail augmente l'anxiété et la dépression
Travailler dans des conditions éprouvantes augmente beaucoup le risque d'anxiété et de dépression, tant pour les femmes que pour les hommes. Les femmes voient leur risque de dépression majeure augmenter de 83 % et les hommes de 278 %. Le risque d'anxiété généralisée, lui, est augmenté de 276 % chez les femmes et de 206 % chez les hommes par rapport à des personnes ne signalant pas de conditions éprouvantes. Et il ne s'agit pas ici de sensation de stress ou de déprime, mais bien d'un diagnostic médical de maladie psychique.
Mais que sont exactement des conditions éprouvantes de travail ?
Il s'agit d'un travail où l'intensité des exigences est très élevée sur le plan psychologique. Il pourrait s'agir d'exigence de rendement, de délais très courts, de tension dans les relations professionnelles, d'obligation de résultat, d'objectifs exagérément élevés, d'obligation de formation, d'adaptabilité à des tâches très diverses, voire d'obligation de bonne humeur Cette intensité d'exigence très élevée sur le plan psychologique est le seul élément qui, dans l'étude de Maria Melchior, augmente le nombre de dépressions majeures et les cas d'anxiété généralisée. Les auteurs ont en effet étudié d'autres paramètres que l'on aurait pu croire impliqués dans les origines des difficultés psychiques. Or, ni l'intensité de la sollicitation physique, ni la présence de soutien social dans l'entreprise, ni la marge de décision laissée au salarié, n'ont d'impact sur l'anxiété ou les dépressions. Seules les exigences psychologiques retentissent sur le psychisme des personnes qui travaillent. Et cet impact est énorme et très négatif.
Les auteurs ont aussi anticipé des critiques que l'on pourrait leur faire. Peut-être que les personnes qui « craquent » psychologiquement au travail sont fragiles, ayant déjà été anxieuses ou dépressives auparavant dans leur vie. Or, ce n'est pas le cas. L'étude a été menée sur des personnes à partir de l'âge de 3 ans. Les sujets ayant déjà vécu des épisodes anxieux ou dépressifs ont été écartés de l'étude. Celles qui subissent de fortes pressions psychologiques entraînant de graves troubles psychiques n'avaient jamais connu de difficultés psychiques auparavant. Les auteurs ont pris la précaution d'ajuster aussi le niveau de qualification du travail afin de ne pas confondre les effets d'un niveau de stress psychologique élevé avec un travail de bas niveau hiérarchique. Au total, une forte tension psychique au travail et une exigence psychologique élevée sont extrêmement néfastes pour les hommes comme pour les femmes. À une époque où l'on a tendance à demander aux salariés d'augmenter leur rentabilité pour cause de concurrence débridée ou de 35 heures, à faire des heures supplémentaires pour répondre à des demandes très élastiques, on peut se demander si nous ne sommes pas en train de rendre malade une partie de la population au travail. Mais cette intensification de la pression psychique semble un processus difficile à endiguer.
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