Antibiotiques : quels sont les risques de la surconsommation ?
Le recours aux antibiotiques, "un réflexe français" ? C'est ce que dénonce un collectif de médecins et d'associations de patients dans les colonnes du Parisien. Selon eux, les praticiens du pays ont la plume un peu trop leste quand il s'agit de prescrire ces médicaments antibactériens. Et cet excès n'est pas sans risque.
En France, 30 % des prescriptions d'antibiotiques ne sont pas nécessaires, chiffrent ces lanceurs d'alerte. Les autorités sanitaires l'admettent elles-mêmes : le pays figure parmi les plus gros consommateurs en Europe – et se classe à la 4e place. Ce malgré un plan de réduction de la consommation lancé en 2001.
Les auteurs de cet appel s'inquiètent du récent rebond qui s'est produit dans les ventes d'antibiotiques. En effet, les prescriptions ont reculé de 11 % entre 2000 et 2015. Mais ces efforts sont sapés par la recrudescence de 5 % qui s'observe depuis 2010…
Des gènes qui résistent aux médicaments
De fait, l'abus d'antibiotiques constitue une vraie menace pour la santé publique. Utilisés à mauvais escient, ils favorisent le développement de gènes de résistance, qui réduisent leur efficacité. "L'antibiorésistance remet en question la capacité à soigner les infections, même les plus courantes", alertent les auteurs de cet article.
Rien qu'en Europe, 25 000 personnes meurent chaque année, faute d'antibiotique efficace pour traiter leur infection. Et comme le rappelle Eric Senneville, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de Tourcoing (Nord) dans Le Parisien, ces "patients décèdent non pas de la gravité de leur maladie, mais de ne pas avoir le bon traitement."
En effet, certains gènes confèrent une résistance aux bactéries pathogènes. Il est alors plus difficile d'en venir à bout avec des antibiotiques. Selon l'Institut Pasteur, ces gènes sont rares mais "peuvent s'échanger à très haute fréquence, jusqu'à une bactérie sur 100."
Résultat : les échecs thérapeutiques sont de plus en plus fréquents. D'après un rapport britannique, ils pourraient même causer 10 millions de morts d'ici 2050 – et tuer plus que le cancer.
Ils affaiblissent l'organisme
Si rien n'est fait, l'antibiorésistance risque donc de progresser, ce qui présente plusieurs risques pour la santé humaine. A commencer par la mort à cause d'infections jusqu'ici bénignes, comme une infection urinaire. Ces troubles sont de plus en plus difficiles à traiter car la bactérie E. coli, qui les provoque, résiste de mieux en mieux.
Selon les derniers chiffres de Santé publique France, 1 600 personnes ont été victimes d'un entérocoque résistant aux glycopeptides en 2016, 3 300 d'une entérobactérie productrice de carbapénémase et 19 d'une souche résistante à la colistine, l'antibiotique de dernier recours.
Si ces médicaments perdent en efficacité, une simple opération de routine sera elle aussi à haut risque. En effet, avant certaines chirurgies, des antibiotiques sont prescrits en prévention. Cela permet de limiter le risque d'infection lors de l'ouverture du patient. Si cette stratégie ne fonctionne plus, les infections nosocomiales risquent de se multiplier.
" La prise d'antibiotique va altérer notre microbiome et contribuer à augmenter ce réservoir de gènes de résistance que nous portons", avertit aussi l'Institut Pasteur. Ces médicaments détruisent en effet la flore intestinale, y compris les bactéries bénéfiques. "La prise inutile d'un antibiotique a donc un double effet négatif pour un individu en favorisant la colonisation par des bactéries résistantes et donc un risque d'une infection ultérieure difficile à traiter et l'altération du microbiome", explique l'institution.
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Antibiotiques : «Il y aura des infections banales que l’on ne pourra plus soigner», Le Parisien, 1er février 2018
High levels of antibiotic resistance found worldwide, new data shows, OMS, 29 janvier 2018
Résistance aux antibiotiques, Institut Pasteur, consulté le 1er janvier 2018
Review on Antimicrobial Resistance, consulté le 1er janvier 2018
Consommation d'antibiotiques et résistance aux antibiotiques en France : soyons concernés, soyons responsables, Santé publique France, novembre 2017