COVID-19 : les huiles essentielles ne vous protègent pas du coronavirus
Les huiles essentielles font partie des armes naturelles pour lutter contre les infections les plus utilisées par les Français. Toutefois, dans ce contexte d’épidémie de SARS COV 2, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) appelle à la vigilance.
Huiles essentielles : attention aux risques d’irritations
Les sprays et diffuseurs à base d’huiles essentielles sont souvent plébiscités pour leurs vertus “assainissantes” et “épuratrices” d’air. Toutefois, il faut se montrer prudent avec ces produits. Selon le rapport publié le 28 avril 2020 par l’ANSES, 1432 cas d’expositions symptomatiques ont été relevés par les centres antipoison et de toxicovigilance entre 2011 et 2019. La majorité des cas était liée à une exposition accidentelle (par un enfant en bas âge ou une personne diminuée) ou des mésusages.
Toutefois, l’agence française rapporte que des “symptômes irritatifs des yeux, des voies aériennes supérieures (bouche, nez, gorge, larynx et trachée), ainsi que des symptômes de toux et de difficultés respiratoires” ont été relevés après l’utilisation des sprays ou diffuseurs à domicile.
Elle ajoute “Ces irritations peuvent être liées à des huiles essentielles riches en phénols ou en cétones, irritantes pour les voies respiratoires et inadaptées à l’inhalation ou à leurs diffusions par le biais d’un spray ou d’un diffuseur”. Néanmoins, elle précise que ces troubles sont en “grande majorité de faible gravité et régressent rapidement après arrêt de l’exposition”.
Les huiles essentielles ne sont pas des produits anodins
Virginie Brevard Docteur en Pharmacie et aromathérapeute prévient “les huiles essentielles ne sont pas des produits anodins. Ce sont des composés complexes très concentrés.” Ces produits, obtenus par la distillation à la vapeur d’eau de végétaux, peuvent contenir des éléments chimiques aux effets puissants. “Les réactions sont souvent liées à un mésusage des huiles essentielles. C’est pourquoi il faut toujours prendre conseil auprès des professionnels qui connaissent parfaitement les huiles essentielles et capables d’individualiser les conseils en fonction du patient”.
L’ANSES met également en garde contre la pratique “d'automédication par utilisation d’huiles essentielles par voie orale pour «renforcer les défenses naturelles» et «lutter contre le coronavirus»”, devenue plus fréquente depuis le début de l’épidémie. Elle alerte également contre “la pulvérisation d’huiles essentielles pour «assainir un espace clos» par une personne à risque (personne asthmatique), ou encore utilisation inappropriée pour désinfecter un masque chirurgical, par exemple”.
Les bonnes pratiques avec l’huile essentielle
“Il est primordial de vérifier la qualité et la provenance de l’huile essentielle. Elle n’aura pas la même composition selon où la plante pousse. En effet, la concentration des molécules peut être plus ou moins forte en fonction de l ’ensoleillement par exemple”.
D’autres précautions sont à prendre avec les huiles essentielles
- Avant tout usage, et en cas de question sur les huiles essentielles, demandez conseil à un pharmacien ou médecin spécialisé dans ces produits.
- Suivez les recommandations et consignes données par l’expert.
- Ne diffusez pas le produit en continu : “Il ne faut pas diffuser plus de 30 min, et pas plus de 3 fois par jour dans une pièce à vivre. Il faut aussi prendre en compte la surface de la pièce”.
- La diffusion d’huiles essentielles dans la chambre doit avoir lieu au moins 30 minutes avant le coucher et sans personne dans la pièce, de préférence.
- “On ne diffuse jamais d’huile essentielle dans la chambre d’un enfant en sa présence et on attend également 30 minutes avant de l’autoriser à y retourner”.
- Conservez les produits et placez les diffuseurs hors de portée des enfants.
- Suivez les recommandations d’aération du logement : c’est-à-dire ouvrir en grand, les fenêtres de la pièce entre 5 et 10 minutes, une à deux fois par jour.
Les huiles essentielles contenant des phénols
Présents dans certaines huiles essentielles, les phénols sont des molécules qui ont un très puissant impact au niveau pulmonaire. Ils peuvent être très irritants. Il est donc contre indiqué de diffuser des huiles ayant de fortes concentrations en phénols, surtout si on a des troubles respiratoires ou de l’asthme”, explique Virginie Brevard, Docteur en Pharmacie et aromathérapeute.
On retrouve ces composés - vantés pour leurs propriétés anti-infectieuses, toniques ou encore antioxydantes - dans les huiles essentielles d’origan compact, de certains thyms, de clou de girofle, d’ajowan, de cannelle feuille, de laurier noble ou encore de la sarriette.
“Il ne faut pas utiliser ces huiles essentielles sans avoir pris conseil auprès d’experts auparavant”, martèle notre spécialiste.
Les huiles essentielles contenant des cétones
Les huiles essentielles contenant des cétones sont également pointées du doigt. “Il faut être prudent aussi avec les huiles contenant des cétones, car ces molécules aromatiques aux propriétés pharmacologiques puissantes peuvent atteindre le système nerveux. Elles sont contre-indiquées aux personnes qui souffrent d’épilepsie, de convulsions, aux bébés ou encore aux femmes enceintes”.
Il est fortement déconseillé de diffuser de l’huile essentielle de menthe poivrée seule et en grande quantité. Il est recommandé d'être prudent avec l’eucalyptus mentholé, le romarin camphre, le cèdre Atlas…
Toutefois, la toxicité des cétones varie d’une huile essentielle à une autre, et également de la voie d’administration d’où la nécessité de se renseigner avant utilisation.
Virginie Brevard met également en garde “la législation française a interdit la vente libre d’huiles essentielles de sauge officinale et de thuya en raison de leur neurotoxicité et d’action abortive. Malheureusement, il est possible d’en acheter sur Internet. Il est primordial de s’informer avant toute utilisation”.
L’huile essentielle de gaulthérie
En cette période de COVID-19, l’huile essentielle de gaulthérie a été pointée du doigt en raison de ses propriétés anti-inflammatoires. “Elle contient, en effet plus de 95% de salicylate de méthyle un ester qui se transforme ensuite en acide salicylique, le précurseur de l’acide acétylsalicylique et donc de l’aspirine”.
“Cependant c’est une huile essentielle qui ne se prend jamais par voie orale, mais utilisée en application locale pour des douleurs articulaires ou tendineuses. Si on calcule la dose de salicylate de méthyle qui passe dans la circulation générale à travers la peau (en respectant les dosages et les fréquences d’application), on est loin de la dose prise et recommandée par voie orale avec un cachet d’aspirine pour une action anti-inflammatoire. Il faut faire attention à ce que l’on compare et ceci montre bien qu’il faut avoir une très bonne connaissance des huiles essentielles pour bien les conseiller. Cependant par mesure de précaution en période de covid-19, on peut dire que l’huile essentielle de gaulthérie est à déconseiller. Les recommandations sur l’aspirine et l’ibuprofène données par les autorités sanitaires restent de mise”, précise l’experte.
Diffusion : jamais plus de 3 huiles essentielles en même temps
“Je déconseille fortement à mes patients d’utiliser plus de 3 huiles essentielles en diffusion”, prévient l’experte. Or, les sprays incriminés par l’ANSES en contiennent souvent plus.
“De plus, il faut se rappeler que ce ne sont pas des produits anodins. Et surtout, pas des parfums d’ambiance. On ne les pulvérise pas pour que cela sente bon. Il faut respecter les recommandations. Plusieurs intoxications ont lieu, car le produit a été diffusé dans des espaces trop petits et mal ventilés comme des WC par exemple”, précise la docteur en pharmacie.
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Sprays et diffuseurs à base d’huiles essentielles : l’Anses appelle à la vigilance, ANSES, 28 avril 2020