Diabète et grossesse, l’insuline reste la règle

Aujourd’hui, lorsqu’une femme souffre de diabète lors de sa grossesse, le seul médicament autorisé pour équilibrer son taux de sucre dans le sang est l’insuline. Par simplicité d’emploi, il peut être tentant d’utiliser les nombreuses molécules par voie orale dont on dispose pour traiter le diabète. Les experts réunis lors du congrès de la Société francophone du diabète (Lille, 28-31 mars 2017) réagissent et en appellent au principe de précaution.
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Pourquoi penser aux médicaments contre le diabète pendant la grossesse ?

Certaines femmes enceintes peuvent être amenées à prendre des médicaments antihypertenseurs, des antidépresseurs etc. mais aussi des molécules antidiabétiques. Elles peuvent en effet être diabétiques. D’autres femmes en revanche, n’avaient pas de diabète connu. Ce diabète apparu pendant la grossesse, dénommé diabète gestationnel, doit être traité. Près de 35% des femmes ayant un diabète gestationnel nécessitent un traitement pharmacologique pour maintenir un équilibre de leur glycémie. Depuis longtemps, l’insuline est le traitement de référence.

Pr Marie-Victoire Senat, gynécologue obstétricienne au CHU Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre) : « Les femmes enceintes étant moins souvent compliantes et tolérantes vis-à-vis des traitements et notamment de l’insuline, la tentation est grande d’envisager la prescription des autres médicaments antidiabétiques oraux, plus simples à utiliser. Mais lorsque l’on se penche sur la possibilité de les prescrire lors de la grossesse, les données scientifiques se révèlent étonnamment pauvres, restreintes à deux molécules contre le diabète : la metformine et le glibenclamide (un « sulfamide »). Pour l’heure, aucune donnée n’existe concernant les médicaments les plus récents. Et malgré leur ancienneté de prescription, les études sur ces deux molécules ne sont pas si tranchées, au point d’alimenter les débats. Le plus souvent, les faibles effectifs des études et les nombreuses limites méthodologiques rendent l’interprétation litigieuse ».

Antidiabétiques pendant la grossesse : quand le doute s’installe…

Les études in-vivo et ex-vivo concordent : la metformine traverse le placenta, exposant le fœtus à des concentrations proches de celles de la circulation maternelle, sans pour autant que cela présume de son impact.

Quant à la seconde molécule antidiabétique (glibenclamide), le discours a totalement changé depuis ces dernières années et il est admis qu’il passerait à 50-70% chez le fœtus.

Dans la vraie vie, pour se faire une idée il faut aller à la pêche aux -trop rares- données.

Entre 2000 et 2010, les essais étaient rassurants : l’avenir à court terme du fœtus était identique, que la mère ait pris de l’insuline, de la metformine ou du glibenclamide pendant la grossesse. Puis, une étude a fait le buzz en 2000*, en montrant que glibenclamide ou insuline, l’efficacité sur le contrôle du diabète était similaire.

Il n’en fallait pas plus pour que les américains, suivi des anglais et des canadiens l’autorisent dans le diabète gestationnel au même titre que l’insuline. Au point qu’en 2011 aux USA, le glibenclamide a supplanté l’insuline, avec une utilisation passée de 7,4% à 64,5%.

Retournement de situation, en 2014 et 2015 des études ont mis un coup de collier à cet engouement. Non pas pour la metformine qui semble assez inoffensive (en échec une fois sur deux cependant) mais pour le glibenclamide. Il ressort pour cette molécule une augmentation du risque de macrosomie (poids du nouveau-né de plus de 4 kilos à terme), d’hypoglycémie néonatale (faible niveau de glucose dans les premiers jours après la naissance) mais aussi de signaux de détresse respiratoire et de transfert dans des unités de réanimation néonatale.

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Source : *Oded Langer et al. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1134-8
** SNIRAM système d’information inter-régimes de l’Assurance Maladie (785 000 femmes sans diabète gestationnel).
En direct du congrès de la Société francophone du diabète (Lille, 28-31 mars 2017).