Hybride humain-mouton : en quoi il pourrait aider lors des greffes d'organes
Que ce soit à cause d'une cirrhose, d'une insuffisance rénale ou d'une maladie cardiaque, de nombreux·ses malades ont besoin d'une greffe d'organes. En 2016, 22 600 d'entre elles et d'entre eux étaient inscrit·e.s en liste d'attente. L'année précédente, 500 sont morts avant de sortir de cette fameuse liste.
Partout dans le monde, le nombre de greffons disponibles est insuffisant. Parmi les scientifiques qui tentent de trouver des alternatives, une équipe des universités de Californie à Davis (Etats-Unis) et de Stanford (Etats-Unis.
Deux de ses membres ont présenté des résultats surprenants, à l'occasion du congrès annuel de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS), qui se tenait à Austin (Etats-Unis) du 15 au 19 février. Ils sont parvenus à développer des embryons de moutons… en partie humains.
L'image évoque les plus grands mythes de l'ancien monde. Mais la chimère pourrait aussi faire partie du futur, vu l'enthousiasme que suscite cette récente présentation. Car c'est ni plus ni moins un organisme chimérique qui a été créé par les soins de cette équipe américaine.
Un nouveau type de greffe
Les embryons – dont l'existence a été interrompue après 28 jours pour des raisons éthiques – étaient des moutons à plus de 99 %. Mais une cellule sur 10 000 appartenait à l'espèce humaine (soit 0.01 %).
Pour parvenir à ce tour de force, les chercheur·e·s ont extrait des cellules souches d'être humain. Après une manipulation génétique de précision – appelée CRISPR-Cas9 –, elles ont été injectées à un embryon de mouton. Le résultat obtenu est bien meilleur que lors de précédents travaux réalisés sur le porc : une cellule sur 100 000 était alors humaine.
"Nous continuons de penser que c'est insuffisant pour produire un greffon", a tout de même souligné Pablo Ross lors de la présentation de ses recherches à la presse, dont les propos sont rapportés par le Guardian.
Car c'est bien l'objectif, à terme : développer, dans des organismes animaux, des organes qui pourraient ensuite être implantés chez l'homme, sans risque de rejet car il ne s'agit pas d'une transplantation inter-espèces, une xénogreffe.
L'intérêt de cette stratégie a été confirmé par plusieurs séries de travaux, sur le porc et la souris notamment. Une équipe japonaise a, en effet, réussi à faire "pousser" un pancréas chez des rats à partir de cellules souches de souris.
Encore un long chemin
Greffés chez ces dernières, les organes ont réussi à guérir le diabète de type 1 qui avait été induit par les scientifiques. Une découverte majeure et source d'espoir, car le milieu de la recherche n'exclut pas la possibilité que des organes "sur mesure" puissent être développés.
Mais pour le moment, les différents travaux en sont à un stade embryonnaire. "La proportion de cellules humaines est très faible, a souligné Hiro Nakauchi, co-auteur des travaux, devant la presse. On ne parle pas d'un porc avec un visage ou un cerveau humain."
De fait, il faudrait que plus d'1 % des cellules cultivées soient humaines pour obtenir un greffon correct. Et même alors, des limites existent. Interrogé par Newsweek, le chercheur du Francis-Crick Institute (Royaume-Uni) Robin Lovell-Badge émet des réserves.
"Même s'ils parviennent à remplacer les cellules pancréatiques du mouton par des cellules humaines, les vaisseaux sanguins seront toujours dérivés du mouton, souligne-t-il Les organes ne pourraient pas être utilisés pour une transplantation sans activer le système immunitaire et provoquer un rejet – qui serait probablement rapide."
Mieux vaut donc, en attendant, se concentrer sur les moyens d'augmenter les dons d'organes. Car les essais sur les organes artificiels ont eux aussi du mal à faire leurs preuves.
Vidéo : L'allogreffe de cellules souches expliquée en vidéo
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Towards Xenogeneic Generation of Human Organs, AAAS Annual Meeting, 18 février 2018
Human-sheep hybrids could grow human organs for transplant and even cure diabetes, Newsweek, 18 février 2018
Rapport annuel 2016 de l'Agence de la biomédecine, consulté le 20 février 2018