SAMU de Strasbourg : trois enquêtes pour comprendre la mort de Naomi Musenga
Elle n'avait que 22 ans, elle était mère d'un enfant de 18 mois seulement. Et pourtant, Naomi Musenga a perdu la vie, quelques heures après avoir tenté de joindre le Samu. C'était le 29 décembre dernier. Mais l'affaire ne ressort que maintenant, après une intense mobilisation de sa famille.
Lorsqu'elle appelle les secours, Naomi Musenga souffre. Au téléphone, elle peine à décrire sa douleur. D'après l'enregistrement de l'appel, diffusé par le site Heb'di, la jeune femme compose avec une opératrice peu conciliante. "Si vous ne me dites pas ce qu'il se passe, je raccroche", avertit une première fois l'interlocutrice d'un ton sec.
Plusieurs organes défaillants
La suite de l'appel – qui ne dure qu'une minute vingt – ne vaut guère mieux. La Strasbourgeoise ne peut que dire qu'elle souffre, exprime sa peur de mourir… Après plusieurs railleries, l'opératrice invite Naomi Musenga à joindre SOS Médecins, puis raccroche.
Plusieurs heures plus tard, un médecin déclenche l'intervention du Samu. Mais il est trop tard. Durant son transport, la jeune femme fait deux arrêts cardiaques. Elle décède finalement en service de réanimation. L'autopsie, pratiquée le 3 janvier, fait état d'une défaillance de plusieurs organes "suite à un choc hémorragique".
C'est ensuite un silence assourdissant qui entoure la famille de Naomi Musenga. Jusqu'au 27 avril, date de parution d'un premier article. Le site Heb'di retranscrit l'intégralité de l'échange avec l'opératrice du Samu.
Trois enquêtes en quelques jours
Les événements s'accélèrent alors. Le 30 avril, la sœur de la jeune femme saisit le Tribunal de grande instance de Strasbourg. Trois jours plus tard, l'hôpital de la ville réagit par communiqué de presse. Il indique avoir suspendu l'opératrice "à titre conservatoire", précise que "les causes du décès demeurent floues", et annonce avoir lancé une enquête interne.
Le 8 mai, l'affaire prend une envergure nationale. Sur Twitter, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, fait part de son indignation. "Je tiens à assurer [la] famille [de Naomi Musenga] de mon entier soutien et demande une enquête de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales, ndlr) sur ces graves dysfonctionnements", écrit-elle.
Le lendemain, le parquet de Strasbourg ouvre lui aussi une enquête pour "non-assistance à personne en péril". Alors que les réactions se multiplient, le président du syndicat Samu-Urgences de France (SUdF) adresse une note à l'ensemble des SAMU.
Le document se présente sous la forme d'une check-list qui rappelle les bonnes pratiques de la régulation, et insiste sur l'importance d'une "parfaite rigueur dans la qualité des échanges".
Des questions en suspens
Toutes ces réactions ont été saluées par la famille Musenga. Mais elle attend aussi des réponses sur cet incident. Le 10 mai, elle a annoncé son intention de déposer plainte contre X et contre les hôpitaux universitaires de Strasbourg pour "non-assistance à personne en danger" et pour "mise en danger de la vie d'autrui".
L'objectif : comprendre de quoi la jeune Naomi est décédée – question restée sans réponse depuis décembre – et pourquoi elle n'a accédé à aucun professionnel de santé. "Nous ne sommes pas médecins, mais qu'est-ce qui a tué ma fille ?" a interrogé Bablyne Musenga lors d'une conférence de presse. "On aurait dû s'arrêter au moins un mois sur son cas, pour se demander pourquoi elle est morte."
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Communiqué de presse des hôpitaux universitaires de Strasbourg, 3 mai 2018
Recommandations SUdF sur la qualité des échanges téléphoniques, Samu-Urgences de France, 10 mai 2018