Homéopathie : "Il faut qu'elle produise des preuves de son efficacité"
L'homéopathie mérite-t-elle d'être remboursée ? Il aura suffi d'une tribune pour relancer un débat qui divise au moins autant qu'il fâche. Aux yeux du collectif de professionnel.le.s de santé qui la signe, la réponse est claire : non.
Ces soignant.e.s dénoncent le recours excessif à des médecines alternatives qui n'ont pas apporté la preuve de leur efficacité. Au cœur de leurs reproches, l'homéopathie qui prétend traiter les symptômes d'une maladie en administrant des substances diluées à l'extrême. Et qui bénéficie d'une prise en charge dérogatoire.
Plusieurs syndicats de médecins ont réagi à cette tribune. Certains réfutent l'amalgame entre la médecine à exercice particulier et la "fake médecine", et soutiennent leurs "confrères injustement et gratuitement attaqués". Une pétition a par ailleurs été lancée et signée par plusieurs centaines de professionnels de santé pour défendre les médecins à orientation spécifique thérapeutique (ou médecins à exercice particulier).
De son côté, le Conseil national de l'Ordre des médecins a regretté le 22 mars 2018 que "la forme véhémente de l’interpellation publique, dans laquelle l’Ordre est impliqué, ait davantage alimenté le buzz médiatique d’un moment qu’une réflexion sereine et argumentée sur le sujet". Il a demandé à l'Académie nationale de médecine de "se saisir de nouveau du sujet" et a contacté le ministère de la Santé "pour qu'il fasse de même auprès de la Haute Autorité de Santé et l'Agence nationale du médicament et des produits de santé". E-Santé a interrogé les fondateurs de la tribune.
Qu'est-ce qui a motivé la tribune ?
Collectif Fake Med : Nous avons tous constaté la défiance croissante de la population envers la médecine dite "conventionnelle". Elle se manifeste actuellement envers les vaccins, et plus généralement envers tout discours "officiel" en matière de santé.
Ce phénomène de rejet se fait en parallèle de la montée des "médecines alternatives et complémentaires", dont les partisans n’ont jamais pu prouver l’efficacité, au contraire de la médecine "conventionnelle". Etonnamment, ils ne sont d’ailleurs pas tenus de le faire par les autorités sanitaires.
Nous pensons qu’il est plus honnête envers les patients de produire une séparation très nette entre ces pratiques alternatives, basées sur des croyances et sur l’utilisation des effets contextuels (placebo et autre), et la médecine normale, conventionnelle, qui elle s’attache à se baser sur les données acquises de la science.
Pourquoi parler de défiance ?
Collectif Fake Med : Il s’agit d’une sorte de relativisme qui mettrait au même niveau les preuves scientifiques et la croyance. La croyance, par essence, n’a pas besoin de preuves. Le problème est la mise au même niveau de la prise en charge validée et éprouvée d’une part, et d’une croyance infirmée ou non confirmée par la science d’autre part. Cela transpire de plus en plus dans le débat public.
En quoi l'homéopathie n'est-elle pas scientifique, selon vous ?
Collectif Fake Med : La pratique n’est pas scientifique, car elle se base sur des postulats qui n’ont jamais été prouvés. Les nombreuses études sérieuses tentant de lui trouver un effet spécifique (c’est à dire un effet pharmacologique, au-delà la prise d’un simple placebo) ont échoué.
On a donc affaire à une croyance, qui peut être respectée, mais qui doit également être traitée en tant que telle. À savoir quelque chose de non rationnel, et donc hors du champ de la médecine
Que faudrait-il pour changer ce statut ?
Collectif Fake Med : Il faut rappeler que la politique de santé, et plus généralement la médecine basée sur les preuves (Evidence-Based Medicine, en anglais), s’appuient sur des données scientifiques constamment évaluées et actualisées. Celles-ci peuvent parfois se révéler fausses ou incomplètes par la suite, mais elles sont dans ce cas corrigées.
Il faudrait donc que l'homéopathie produise des preuves de l’efficacité alléguée. Sinon...rien, à moins de ne plus produire qu'un seul et unique produit homéopathique, et se déclarer comme médicament placebo. Ce qui serait honnête, car ils sont déjà tous les mêmes avec des étiquettes différentes.
Les effets contextuels seraient peut-être moins forts, évidemment, mais nous avons la conviction que tromper les patients, volontairement ou non, n’est pas la bonne solution.
Pourquoi parler de "charlatanisme" dans la tribune ?
Collectif Fake Med : Le mot "charlatanisme" est celui qui est inscrit dans l’article 39 du Code de Déontologie des médecins (et de tous les professionnels de santé), lui-même cité par le Code de la Santé Publique.
Il désigne les personnes qui proposent des traitements à l’efficacité illusoire, comme salutaires ou sans danger. C’est un mot un peu fort et nous ne le reprenons pas forcément à notre compte, car il implique une volonté délibérée de tromper les patients, procès d’intention que nous ne voulons pas faire.
Cependant nous pensons qu’il serait utile que les patients soient informés correctement : déclarer, par exemple, que les produits homéopathiques ont un effet supérieur au placebo. Que donner tel ou tel produit va entraîner une réaction spécifique du corps (autre que celle d’un placebo) est fortement contredit par les études scientifiques à ce sujet.
Les praticiens de médecines alternatives le croient, je pense. Mais comme le disait Philip K. Dick : "La réalité, c'est ce qui refuse de disparaître quand on cesse d'y croire."
Faut-il cesser de rembourser l'homéopathie, selon votre collectif ?
Collectif Fake Med : Ce serait surtout un message fort, 500 € le kilo de sucre, ça fait cher ! En particulier pour soigner des maladies banales qui guérissent d’elles-mêmes, sans besoin de traitement, ou traiter les symptômes subjectifs ou fonctionnels, qui sont accessibles à une thérapeutique non médicamenteuse. Nous pensons que cet argent pourrait être bien mieux utilisé, par exemple en remboursant les consultations des psychologues ou de diététique.
Le poids de l'homéopathie est-il si lourd ?
Collectif Fake Med : La part remboursée du marché des médicaments homéopathiques a représenté plus de 50 millions d’euros en 2017. Et dans cette somme, on ne tient pas compte de la partie remboursée des honoraires des praticiens qui en prescrivent. Cela représente donc des montants non négligeables qu’il nous semblerait plus utile de dépenser dans des thérapeutiques à l’efficacité prouvée, et qui ne sont pas nécessairement médicamenteuses.
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