Les malades psychiatriques, de très gros fumeurs
Dr P. Lemoine : Aux Etats-Unis, il a été montré que la grande majorité des malades mentaux graves, hospitalisés dans des services spécialisés, sont de gros fumeurs. Au point que l'on peut se demander s'il faut continuer à « institutionnaliser » ces malades dans de tels services où ils risquent de devenir progressivement des malades pulmonaires ou cardiovasculaires. Toujours aux Etats-Unis, on considère que 44% de la consommation tabagique serait le fait de sujets présentant des troubles psychiatriques ! L'industrie du tabac ne s'y trompe d'ailleurs pas, ciblant très largement ses efforts de marketing sur ces populations.
Existe-t-il un support biologique à une telle prévalence du tabagisme chez les malades psychiatriques ?
Dr P. Lemoine : Ce tabagisme est principalement le fait des schizophrènes : pratiquement tous sont de gros fumeurs et de gros consommateurs de café comme d'un tas d'autres produits stimulants. Tout simplement parce qu'ils présentent un déficit dopaminergique et que la nicotine, qui est un produit anticholinergique, induit par ricochet une augmentation de la dopamine, tout comme le ferait un autre stimulant comme la cocaïne. Pour le schizophrène, chaque bouffée de cigarette est source de plaisir, un « mini-flash » qui stimule les récepteurs nicotiniques. Dès lors que ceux-ci sont revenus à leur état antérieur, le besoin d'une nouvelle bouffée, d'une autre cigarette s'impose.
Devant une telle explication, il doit être difficile de combattre le tabagisme dans un centre hospitalier spécialisé...
Dr P. Lemoine : Dans mon service, nous avons principalement des déprimés et sans doute est-il plus facile d'y faire respecter la loi Evin ; et nous avons effectivement créé un espace fumeur, dans une pièce close. En revanche, dans les services hospitalisant principalement des schizophrènes, la loi Evin n'est généralement pas appliquée, sans doute du fait d'un certain fatalisme vis-à-vis du tabagisme vécu par certains psychiatres comme l'unique plaisir de leurs patients. Et pour compliquer les choses,sans doute la prévalence du tabagisme chez les psychiatres est-elle supérieure à celle d'autres spécialistes médicaux !
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