Dans votre assiette : la mûre
Les mûres sauvages dont on se régale au cours d'une balade sont fort différentes de celles qui sont cultivées. Elles ressemblent certainement plus à celles qui figuraient dans la mythologie grecque et qui étaient issues du sang des Titans versé lors de leurs guerres contre les dieux. Pendant des siècles, on a prêté aux mûres nombre de vertus médicinales. Elles étaient conseillées dans le traitement des diarrhées, elles combattaient (selon Pline) "les venins des serpents les plus dangereux". Les feuilles avaient le pouvoir de "réprimer le flux des femmes", de fortifier les gencives et de guérir les ulcérations de la bouche. Les Gitans d'Espagne utilisaient une mixture faite de feuilles et de fruits pour stimuler leurs bêtes. Maintenant que l'on connaît la richesse de ce fruit en vitamine C, en anti-oxydants et en sels minéraux, tout ceci paraît assez vraisemblable.
La mûre sauvage existe toujours, heureusement ! C'est un fruit qui pousse sur une ronce aux longues branches épineuses. Celles que nous trouvons en barquette sur les marchés viennent d'une culture. Les ronces ont été sélectionnées puis domestiquées afin d'obtenir des branches aux épines moins acérées, portant des fruits plus gros et moins acides. Il semble bien que ces transformations se soient faites à partir de "dewberry", ronces venues de ce que l'on appelait alors le Nouveau Monde. Car c'est là-bas que la culture de nos mûres actuelles vit le jour, grâce au juge Logan, resté célèbre pour ce haut fait : il voulut un jour croiser deux variétés de mûriers sauvages dans son jardin californien. C'était en 1881. Mais, juste à coté d'un des mûriers se trouvait un framboisier. Celui-ci vécut des amours clandestines avec le mûrier et ils eurent comme enfant une baie, la Loganberry. Cette "baie de Logan" est un gros fruit conique, d'un carmin profond. D'autres s'amusèrent aussi à croiser framboise et mûre. C'est ainsi qu'il existe la Boysenberry, grosse baie allongée, rose foncé, d'une saveur exceptionnelle et la Tayberry, fruit des recherches de Jennings, en Ecosse : elle a la couleur de la framboise et la forme, ainsi que la fermeté de la mure.
Plusieurs variétés de mûres sont cultivées en France, mais à une toute petite échelle, dans le Limousin, le Périgord, l'Anjou et la région Rhône-Alpes. Elles s'appellent Himalaya, Perle noire ou encore Thornless evergreen.
Bonnes pour tout le monde ?
Oui, sans aucun problème. On peut très bien faire déguster quelques mûres écrasées à un tout petit enfant. La mûre est relativement riche en glucides (11,2%). Elle contient un peu de fibres (1,7%) bien tolérées par le tube digestif. Riche en vitamine C (32mg pour 100g), elle contient plusieurs vitamines du groupe B, des carotènes. Les sels minéraux n'en sont pas absents, loin de là ! Une forte concentration de pigments flavonoïdes, les anthocyanes lui donnent sa couleur rouge-violet sombre. D'autres flavonoïdes, des tanins, s'y trouvent également, d'où un grand rassemblement de substances anti-oxydantes tout à fait bénéfique, surtout pour les systèmes cardiovasculaires fragilisés par les excès de la vie moderne.
Comment choisir et utiliser les mûres ?
Les mûres sont vendues en barquettes de 125g. C'est un fruit fragile, presque autant que la framboise ou la fraise des bois. Mettez donc cette barquette sur le dessus de votre panier et n'attendez pas trop longtemps pour la consommer, surtout par temps d'orage, car les mûres n'aiment pas beaucoup les changements de température.Les mûres font bien sûr de magnifiques coulis qui enjolivent la monotonie d'un fromage blanc ou nappent une glace. Mais qui, s'il n'est pas sucré, débanalisera un foie de veau poêlé ou donnera du tonus à un jus de volaille rôti.Sinon, la tarte aux mûres est un classique. De même que la salade de fruits rouges. Quant aux mûres sauvages des cueillettes campagnardes, elles sont toujours destinées à des confitures ou gelées qui feront le bonheur des petits-déjeuners et des goûters d'hiver. Mais elles peuvent aussi se congeler sans souci.
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