Obésité : pourquoi nous avons plus faim après avoir perdu du poids
Perdre du poids est un véritable supplice de Tantale. Même après s'être allégées d'une partie de leurs kilos superflus, les personnes obèses sont loin d'être sorties d'affaire. C'est ce que montre une étude menée par l'université scientifique et technologique de Norvège.
Les chiffres sont clairs sur ce point : combattre l'obésité est difficile. Malgré un régime couronné de succès, deux individus sur trois reprendront du poids au cours de l'année suivante. Ce taux de rechute est très élevé, mais les mécanismes qui permettent de l'expliquer sont encore mal connus.
Ces travaux, publiés dans l'American Journal of Physiology, Endrocrinology and Metabolism, apportent quelques éléments de réponse. Cela grâce à 34 volontaires souffrant d'obésité morbide (IMC supérieur à 40) qui ont pris part à une expérience de deux ans.
L'hormone de la faim augmente
Pesant, en moyenne, 125 kg au début de l'étude, ces participant.e.s se sont pliés à une intervention stricte. Pendant trois semaines, un accompagnement en centre spécialisé a été mis en place. Au programme : activité physique, éducation nutritionnelle et échange avec des psychologues. "Nous avons proposé à ces patients le traitement de référence de l'obésité", résume Catia Martins, co-auteur de la publication.
Ce séjour a été reproduit tous les six mois. Avec succès puisque, après deux ans à ce rythme, les volontaires ont perdu 11 kg en moyenne. Mais les interrogatoires et les examens biologiques révèlent un détail intéressant : ces personnes avaient plus faim qu'au début de l'étude et leur désir de s'alimenter était plus élevé.
Les scientifiques expliquent cela par deux phénomènes qui se produisent simultanément. Lorsqu'une personne perd du poids, son estomac libère de grandes quantités de ghréline, l'hormone de la faim. Ce qui augmente l'appétit.
Le corps en économie d'énergie
Le problème, c'est que cette fringale ne passe pas avec le temps, car le taux d'hormone libéré ne s'ajuste jamais. Au cours des deux ans de l'étude, la ghréline est restée stable chez l'ensemble des participant.e.s. Ils se disaient donc affamés, alors même que la sensation de satiété était plus élevée à la fin des recherches.
Ce constat confirme que "l'obésité est un combat qui se fait au quotidien, tout au long de la vie, estime Catia Martins. Nous ne pouvons plus la traiter comme une maladie aiguë, en proposant un soutien aux patients avant de les laisser livrés à eux-mêmes."
Une conclusion avisée au vu du second mécanisme qui se déclenche avec la perte de poids. Soumis à une surcharge pondérale, "le corps demande plus d'énergie pour respirer, dormir, digérer ou marcher", explique la chercheuse. Lorsque ce surpoids s'allège, ces besoins sont réduits. Mais le corps passe, pour ainsi dire, en économie d'énergie.
17 % d'obèses en France
Ainsi, une personne qui a perdu des kilos aura besoin de moins d'apports caloriques pour maintenir son poids. Concrètement, "une personne qui a pesé 80 kg toute sa vie peut manger davantage qu'une personne qui pèse 80 kg après un régime, résume Catia Martins. La différence est d'environ 400 calories – l'équivalent d'un petit déjeuner copieux ou de quatre bananes."
Cette "économie", confrontée à la sensation de faim croissante, place les individus dans une situation bien difficile, qui met la motivation à rude épreuve. Ce qui explique, sans doute, pourquoi seulement 20 % des volontaires ont réussi à se stabiliser à leur poids le plus bas.
Sans compter que "la perte de poids est aussi reliée au stress psychologique", soulignent des chercheurs canadiens dans un article paru en 2014. En plus des nombreux mécanismes d'adaptation biologique – parfois délétères – un suivi psychologique est essentiel. Car sans accompagnement adapté, la tâche allouée aux personnes obèses semble presque insurmontable.
Mais en France, la prise en charge de l'obésité souffre encore de nombreux défauts – à commencer par le manque de coordination entre les différents professionnels de l'obésité. Ce alors que 16 à 18 % de la population adulte a u IMC supérieur à 30, ainsi que 4 % des enfants.
Vidéo : Obésité : la dérivation gastrique de Roux-en-Y (RYGB) expliquée en vidéo
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Etude ESTEBAN 2014-2016, Stabilisation du surpoids et de l'obésité chez l'enfant et l'adulte, Santé publique France, 13 juin 2017
Mythes largement répandus à propos de l’obésité, Jean-Philippe Chaput et al, Le médecin de famille canadien, novembre 2014