Comment le psychisme fait face au choc de l'annonce d'une mauvaise nouvelle

Annonce d'une maladie grave, décès d'un proche, séparation, accident, chômage… les mauvaises nouvelles, on en reçoit toujours trop. Et notre psychisme fait face comme il peut, de son mieux. Nous avons interviewé pour vous le Dr Isabelle Moley-Massol, médecin libéral à Paris (1).
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Si ce médecin qui est aussi psychanalyste travaille sur la réaction d'une personne face à l'annonce d'une maladie grave, les réactions qu'elle nous a décrites sont exactement les mêmes pour l'annonce d'une mauvaise nouvelle, quelle qu'elle soit.

« Devant une mauvaise nouvelle, notre psychisme ne choisit pas sa réaction. Il réagit par des mécanismes inconscients pour se protéger à court terme, afin de pouvoir digérer peu à peu la mauvaise nouvelle, pour faire face, pour faire avec. Ces mécanismes de protection que l'on appelle des mécanismes de défense sont variés et dépendent de l'histoire de chacun, de ses ressources psychiques, de sa structure de personnalité, du contexte présent. Quand la mauvaise nouvelle est un traumatisme, les réactions se mettent en place toutes seules, et sont d'autant plus puissantes que la mauvaise nouvelle est grave. »

Alors, quelles sont ces réactions que nous ne choisissons pas et qui se mettent en place pour nous protéger ?

« Ces divers mécanismes, initialement décrits par Martine Ruszniewski, sont très divers :

- Le déni consiste à nier la réalité. En même temps que l'on écoute l'annonce de la mauvaise nouvelle, on réagit en effaçant dans le discours tout ce qui est insupportable et constitue une menace. Il ne s'agit pas forcément d'un déni total. Il existe une forme de clivage : une partie de la personne sait, mais c'est comme si cela n'arrivait pas à sa conscience. Par exemple, en cas d'annonce d'un cancer, la personne dit « non, ils se sont trompés ». C'est une protection à très court terme.

- La dénégation est un compromis. La personne se défend en acceptant une part de la réalité, mais une part de vérité est intolérable et rejetée. Elle accepte seulement ce qui est tolérable. Par exemple : « elle veut me quitter, mais elle va bientôt revenir ».

- L'isolation consiste à enkyster la mauvaise nouvelle comme si elle n'atteignait pas vos centres émotionnels. La personne concernée connaît la nouvelle, la comprend, sait que c'est grave, mais ne réagit pas. Tout est intellectualisé. L'émotionnel est neutralisé. On a l'impression que ceux qui réagissent ainsi prennent bien la mauvaise nouvelle, ce qui est faux. Ils se protègent en mettant leurs émotions à distance.

- Le déplacement agit en déplaçant la mauvaise nouvelle sur un autre terrain, annexe par rapport à lui. La personne connaît la nouvelle, en est consciente, mais s'inquiète pour autre chose ou pour un détail. Par exemple : « j'ai un cancer, mais j'ai surtout un problème d'argent ». Quand on réagit ainsi, on n'est pas capable d'aborder directement le vrai problème. On se plaint, on s'inquiète d'autre chose.

- La réaction de maîtrise se situe dans l'action. Les personnes qui réagissent ainsi ont besoin de tout connaître. Dans l'annonce d'une maladie grave, par exemple, elles passent leur vie sur Internet pour tout savoir, tout dénicher. L'activité canalise l'angoisse et il s'agit de savoir pour mieux maîtriser les émotions.

- La régression consiste à s'immerger dans le problème, se fondre en lui. La personne est alors passive, se laissant porter. Cela ressemble à une dépression parce qu'on n'est pas dans l'action. C'est un mouvement de repli sur soi pour se réparer. Un homme au chômage peut s'en remettre à sa femme pour tout et rester au lit. Une personne malade peut se laisser faire par les médecins, l'équipe soignante, ne plus prendre aucune initiative.

- La projection agressive est une colère projetée à l'extérieur. En cas de maladie grave ce sera : « C'est de votre faute, vous auriez dû la détecter plus tôt et agir différemment. »

- La combativité, la sublimation sont des réactions de défense qui apparaissent souvent plus tardivement. On mobilise alors son énergie psychique afin de transformer l'épreuve en force pour entreprendre. Ces mécanismes de défense sont importants et quand on les observe, on ne doit absolument pas chercher à lutter contre eux, mais les accepter. S'ils sont si importants, c'est qu'ils permettent de prendre le temps de s'adapter à la mauvaise nouvelle. Secouer la personne très passive en lui disant « ça ne va pas de réagir ainsi, tu devrais te battre », serait très violent et insupportable pour elle. Si la personne vous parle de ses problèmes d'argent alors que la difficulté réelle, c'est un cancer, il ne faudrait surtout pas dire : « Mais l'argent, on s'en fiche, c'est ce cancer qui pose un problème ». Si encore quelqu'un est agressif, il faudrait être capable de le comprendre, ou en tout cas, de le supporter.

Donc chaque personne adopte un mécanisme de défense ?

Non, pas vraiment, car si chacun réagit avec son psychisme, nous n'utilisons pas un seul mécanisme de défense. Nous pouvons dans un premier temps être passif dans la régression, passer par l'agressivité, puis en arriver à la combativité. Il existe en fait des fluctuations au fil du temps. Et ces mécanismes peuvent aussi se superposer chez un même individu.

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