- 1 - Jeanne Auber, vous avez écrit un premier livre « Bonjour jeune beauté », sur les combats menés avec votre fille. Quels ont été ou quels sont encore ces combats ?
- 2 - Le premier combat, c’est d’accepter le handicap de son enfant
- 3 - Le deuxième combat est de réussir à ce que l’enfant soit vu comme un enfant
- 4 - Et en ce qui concerne la prise en charge du handicap, la solidarité due aux personnes fragiles ?
- 5 - Là, ce n’est plus un combat que nous devons mener, c’est une guerre !
- 6 - Et sur le plan financier ?
- 7 - Il y a des aides, mais elles sont insuffisantes.
- 8 - Avez-vous eu du mal à trouver une solution d’accueil stable pour votre fille ?
- 9 - Nous vous avons interviewée en 2014 et depuis, pouvez-vous nous dire ce qui a changé ? Comment va votre fille ?
- 10 - Sur le plan plus général, les choses ont-elles évolué pour la prise en charge des enfants souffrant de handicap mental ?
- 11 - Que souhaiteriez-vous demander aux politiques ?
Il y a des aides, mais elles sont insuffisantes.
J’ai eu du mal à accepter la carte d’invalidité pour ma fille. Elle offre pourtant une demi-part supplémentaire pour les impôts. Pour les enfants, il existe l’allocation enfant handicapé puis adulte handicapé.
Ces aides, même si elles sont bienvenues, ne couvrent jamais tous les frais. Je paye par exemple un équivalent de frais de garde depuis 23 ans. Si je veux pouvoir travailler, au moins 500 € de frais de garde restent à notre charge.
Et puis, il y a les dépenses de transport. Si vous cherchez un établissement pour votre enfant, ou si vous allez le voir régulièrement, comme c’est souvent loin de chez vous, vous avez au moins 300 € de transport par mois. Et seul le déplacement de l’enfant est pris en compte. J’emmène ma fille dans un centre d’accueil temporaire pour une semaine, l’aller est subventionné. Mais je reviens seule dans la voiture, et ça, je le paye de ma poche. Idem pour la ramener, seul le retour est pris en charge. J’ai compté qu’en un an, j’avais fait 12.000 kilomètres juste pour elle.
Résultat, beaucoup de parents voient très peu leur enfant, uniquement pour des raisons financières : ils n’ont pas les moyens de financer les transports.
Sans compter que les vêtements s’usent plus vite, on lave les draps tous les jours, et tout ça finit par coûter cher.
Avez-vous eu du mal à trouver une solution d’accueil stable pour votre fille ?
Oui, et nous ne sommes pas les seuls parents dans ce cas. J’estime qu’en France, il y a au moins 50.000 à 60.000 personnes en situation de handicap sans solution d’accueil ou sans solution adaptée.
En Belgique, 6.000 à 8.000 personnes françaises souffrant de handicap, surtout mental, sont accueillies avec un financement français. Chaque prise en charge coûte environ 60 000 €/an qui sont versés par l’État à la Belgique. On crée ainsi 4000 emplois en Belgique. C’est pourquoi j’ai écrit un livre sur ce scandale des exilés mentaux. La Belgique résout ainsi 10 à 20 % du problème. Donc il reste 80 à 90 % de personnes souffrant de handicap sans solution d’accueil ou sans solution adaptée.
Comme la plupart des parents n’osent pas parler de leur problème, et qu’ils sont épuisés, désespérés, et dans la culpabilité, le gouvernement nie le problème. Un déni à ce point, c’est de la mauvaise foi, une malhonnêteté intellectuelle.
C’est à un tel point qu’il existe des enfants non scolarisés, qui n’ont pas d’école, et sont devenus invisibles pour l’État et pour les statistiques. Régulièrement on se rend compte que cet enfant handicapé, devenu adulte, se retrouve seul suite au décès de ses parents. Cela provoque aussi des drames terribles : il existe des parents épuisés et sans espoir d’aide qui passent à l’acte. On entend parler, hélas trop souvent, de la survenue de drames violents.
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