Quand une femme est-elle prête à réparer son excision ?
En réalité, faire opérer une excision pour la réparer doit bien sûr toujours être un choix personnel de la femme concernée. Elle doit donc peser le pour et le contre.
Les côtés positifs de la réparation de l'excision
Une femme excisée peut ressentir beaucoup de douleurs physiques à cause de cicatrices fibreuses ou rétractiles, et des douleurs lors des relations sexuelles, mais aussi dans la vie de tous les jours. Si l'opération répare, elle permet d'oublier ces douleurs et laisse la place à d'autres sensations.Les infections urinaires à répétition, lot de certaines femmes, vont disparaître quand la vulve sera réparée. C'est souvent un grand soulagement.Une femme excisée peut avoir de terribles difficultés en accouchant, toujours à cause des cicatrices. Si sa vulve est réparée, l'accouchement se passera tout simplement comme celui des autres femmes plus ou moins facilement, mais sans anomalies dues à la mutilation.La sexualité pourra être envisagée sans douleur. Quand l'entrée du vagin est rétrécie par la cicatrice de l'excision, faire l'amour, ça fait mal. Choisir l'opération permet des relations sexuelles mécaniquement normales.Une femme qui décide de procéder à une réparation de son excision cherche souvent avant tout à se sentir enfin comme les autres femmes. Elle est par la suite heureuse de sentir qu'elle a un clitoris présent et visible et que son partenaire ne pourra plus voir la mutilation sur son corps.Et puis, le côté positif très attendu par les femmes, c'est que la disparition de leurs douleurs va laisser enfin de la place au plaisir. La réparation du clitoris lui-même, ramené à un niveau accessible aux caresses en surface, va permettre de retrouver un contact et des sensations érotiques avec les capteurs de plaisir présents à cet endroit. L'orgasme, inconnu jusque-là, peut enfin survenir. Si tous ces points sont indéniables et essentiels, il est tout aussi important de prévenir les femmes des côtés moins agréables de la réparation pour qu'elles puissent choisir en connaissance de cause et en toute liberté.
Les côtés moins positifs de la réparation de l'excision
Il faut accepter une anesthésie générale, ce qui peut faire peur. L'anesthésie locale serait logiquement possible, mais aucune femme excisée ne parvient à l'imaginer. L'endroit traumatisé est tellement sensible qu'il leur semble impossible d'accepter une piqûre pour l'anesthésie et de supporter une intervention chirurgicale avec bistouri, saignement, couture, et tout ce que cela implique.Un autre côté moins positif, c'est que la région sexuelle, agressée violemment par l'excision, se trouve à nouveau être agressée par l'intervention. En effet, même s'il s'agit d'un geste d'empathie pour le sexe de cette femme, une opération est toujours un acte agressif au cours duquel on coupe les tissus, on les recoud... Il peut être difficile à supporter pour certaines femmes, même sous anesthésie générale.L'après opération est souvent douloureuse, ce qui est normal, car n'importe quelle opération entraîne quelques douleurs. Ces douleurs sont ici le plus souvent brèves, quelques jours seulement. De plus, l'équipe chirurgicale, très attentive à cette douleur, propose des traitements antidouleur puissants et efficaces. Mais certaines femmes souffrent énormément, parfois pendant un mois, peut-être à cause de la mémoire du corps qui réactive l'histoire de l'excision : " je n'ai pas pu aller travailler pendant un mois, car je ne pouvais plus m'asseoir. C'était vraiment difficile à supporter... "Même quand tout se passe bien, en préopératoire, pendant l'opération et les jours suivants, il faut compter un certain temps de cicatrisation pour les tissus. La première cicatrisation est rapide, mais ensuite, celle des nerfs du clitoris est souvent plus longue. Comme le clitoris contient des capteurs de sensations très fins, très réactifs, pendant quelques mois la femme peut percevoir des douleurs, des sensations bizarres de type à décharges, fourmillements... C'est le temps nécessaire pour que les nerfs, étirés par l'intervention, reprennent un fonctionnement normal. Par la suite, même réparé et sans douleur, esthétiquement et fonctionnellement normal, le clitoris n'est pas encore forcément " prêt à l'emploi ". En effet, un nombre très important de femmes gardent la mémoire de la douleur et disent : " même si mon clitoris est réparé, même s'il ne me fait plus mal, je ne veux pas encore que l'on y touche ". Cette zone peut rester longtemps " psychiquement sensible ". Il faut donc un temps d'apprivoisement pour réussir à l'aborder sans peur, sans crainte, sans appréhension. Le plaisir sexuel lui-même met parfois longtemps à apparaître, parfois plus de 2 ans après l'intervention. Et chez les femmes qui ressentaient déjà un orgasme avant la réparation, il peut se mettre en sommeil plusieurs mois avant de réapparaître plus tard.Et puis, un problème relativement fréquent se manifeste chez les femmes dont le corps a subi une excision, même avec réparation, c'est le vaginisme. Les agressions faites à leur sexe entraînent une très grande peur de la pénétration que la réparation ne suffit pas toujours à dépasser. Une difficulté, plus sociale, est que toutes les femmes ne peuvent en parler dans leur famille et se trouvent donc relativement isolées vis-à-vis de ce problème, en porte-à-faux. Cette situation n'est pas toujours facile dans ces familles africaines où la solidarité familiale est essentielle...Au total, une réparation est un geste formidable qui vise à redonner aux femmes leur intégrité physique, leur confiance en elles, leur estime d'elles-mêmes et à restaurer leur capacité de plaisir. Cependant, il ne faudrait pas trop les pousser à réaliser cette intervention sans avoir pris le temps d'y réfléchir. Les femmes qui vont hésiter le plus à choisir la réparation sont celles qui ne ressentent aucune douleur ni dans leur vie quotidienne, ni dans leur sexualité, et qui éprouvent déjà du plaisir sexuel. Une ingérence chirurgicale dans leur zone sexuelle peut troubler un fonctionnement qui était plutôt positif malgré l'excision.C'est pourquoi, les chirurgiens qui la pratiquent demandent toujours à ces femmes un temps de réflexion après la première consultation en vue d'une intervention. C'est un aspect de leur travail très important, car on supporte bien les inconvénients d'une intervention si l'on y est préparée et si on accepte de passer par là. C'est seulement à cette condition que l'on peut obtenir les meilleurs résultats qui sont le plaisir de voir une femme sourire en parlant de la sexualité qu'on lui avait volée, enfin retrouvée.
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