DHEA : la frénésie française pour la " pilule de jouvence "

Depuis peu, certaines pharmacies proposent de la DHEA, la fameuse « pilule de jouvence », à condition qu'un médecin en fasse la prescription. A l'instar des Américains, qui en consomment depuis longtemps sans aucun effet secondaire néfaste, les Français font aujourd'hui partie de ces chercheurs de l'éternelle jeunesse. Cependant, en l'absence du statut de médicament, le monde médical, principalement l'ordre des médecins, lance un appel à la prudence et déconseille la prescription de cette hormone soit disant « miraculeuse ». En effet, ses effets thérapeutiques et son innocuité n'ont pas été prouvés et par ailleurs, ses conditions souvent suspectes de fabrication et de mise en vente sont en train de dériver. Il est à fort à parier que les patients en feront les frais.
Sommaire

Des effets imparfaitement connus

La DHEA, pour déhydroépiandrostérone, est une substance naturelle précurseur des hormones sexuelles, à laquelle on prête des vertus, et pas des moindres, de rajeunissement. Certes, mais sans répondre à tous les fantasmes qu'elle suscite, cette molécule n'est pas dénuée d'action. Testée sur des personnes en bonne santé âgées de 60 à 79 ans, son administration pendant une année (50mg/jour) a entraîné des effets favorables sur la peau, les os et la libido, surtout chez les femmes; en revanche, aucune action, ou seulement une tendance positive, sur les performances intellectuelles, la mémoire, la force musculaire, la qualité de vie et le système immunitaire. Cet essai clinique ne rapporte aucun effet négatif chez les personnes supplémentées.

Une fabrication ouverte à toutes les dérives

Synthétisée normalement par l'organisme, la sécrétion de DHEA diminue avec l'âge. L'idée est donc venue de combler ce défit chez les personnes âgées. Or, étant une substance naturelle, il est pratiquement impossible de la protéger par des brevets. C'est pourquoi, la DHEA n'a jusqu'à présent incité aucune firme pharmaceutique à investir dans son développement. Par ailleurs, les études scientifiques inachevées n'ayant pas encore prouvé son efficacité, son innocuité, sa dose d'emploi, la durée du traitement, ses indications et contre-indications, la DHEA n'a pas d'autorisation de mise sur le marché et ne possède donc pas le statut de médicament. En conséquence, la législation interdit sa production industrielle. Mais en revanche, sa fabrication artisanale dans les pharmacies ou ailleurs est permise, ouvrant toute grande la porte à des dérives potentielles. En effet, face à l'engouement des consommateurs, la DHEA est de plus en plus fabriquée. Les réseaux clandestins de vente et les sociétés obscures (notamment sur Internet) se mettent rapidement en place, tous susceptibles d'escroqueries: qualité de la matière première suspecte, dosage non respecté, produit impur car coupé (mais avec quoi et pour quels risques?), poudre de perlimpinpin, etc. En d'autres termes, chacun fait sa cuisine et les patients payeront les pots cassés.

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Source : Le Médecin Généraliste, 10 avril 2001. Figaro, jeudi 12 avril 2001.